L’option à la TVA pour les marchands de biens : enjeux, risques et conseils

Dans le cadre de l’activité de marchand de biens, le choix d’opter ou non pour l’assujettissement à la TVA sur certaines opérations immobilières constitue une décision stratégique lourde de conséquences. Cette note a pour objectif d’exposer les grandes lignes de cette option, ses effets possibles et les précautions juridiques à envisager, notamment pour sécuriser la position du cabinet et de ses clients dans ce domaine.

1. Fondements et conditions de l’option à la TVA

En principe, certaines ventes immobilières sont exonérées de TVA (notamment les immeubles anciens achevés depuis plus de 5 ans, ou les terrains non bâtis). Toutefois, la loi offre au marchand de biens la possibilité d’opter pour la TVA dans des cas déterminés.

L’exercice de cette option doit respecter plusieurs conditions :

  • L’option doit être mentionnée dans l’acte de vente.
  • Elle peut être exercée par immeuble ou par fraction d’immeuble (lot), selon ce qui est le plus adapté à l’opération envisagée.
  • L’accord de l’acquéreur n’est pas requis pour exercer l’option, mais l’acheteur devra être informé, car sa capacité à récupérer la TVA impacte directement la négociation commerciale.

 

2. Cas où l’option à la TVA entraine l’application du régime de la TVA sur la marge (au lieu de la TVA sur le prix de vente)

Le régime de la TVA sur la marge ne peut être utilisé que si toutes les conditions suivantes sont réunies :

  • Le bien vendu est un immeuble ancien ou un terrain exonéré de TVA par principe (pas une livraison d’immeuble neuf).
  • Le vendeur (marchand de biens) n’a pas récupéré de TVA lors de l’achat du bien.
  • L’opération de revente est réalisée dans le cadre d’une activité économique (et non patrimoniale).
  • La TVA sur la marge est expressément mentionnée dans l’acte de vente.

⚠️ Si ces conditions ne sont pas remplies, le régime de la TVA sur la marge ne peut pas être appliqué, et la TVA devra être calculée sur le prix total.

 

3. Avantages et limites de l’option à la TVA

L’option à la TVA n’est pas toujours la meilleure solution : son opportunité dépend d’un grand nombre de facteurs (statut du vendeur, situation de l’acquéreur, nature du bien, travaux engagés, etc.).

Avantages potentiels :

  • La possibilité de déduire la TVA payée lors de l’acquisition du bien (ou de conserver une TVA précédemment déduite) si l’option est exercée.
  • Si l’acheteur est un assujetti capable de récupérer la TVA intégralement, l’opération peut devenir neutre fiscalement pour lui, ce qui peut faciliter la négociation.

Limites et risques :

  • Lorsque l’acquéreur n’est pas assujetti ou ne peut pas récupérer la TVA (par exemple un particulier), l’option peut entraîner une majoration du prix de vente, rendant le bien moins attractif.
  • L’option impose des contraintes comptables, déclaratives, et une distinction précise des coûts affectés à chaque opération (frais spécifiques vs frais généraux).
  • En présence de plusieurs opérations menées parallèlement, un prorata de TVA doit être appliqué aux frais généraux selon la part du chiffre d’affaires soumis à la TVA.

 

4. Méthode de calcul en cas d’application de la TVA sur la marge

Hypothèses de départ

  • Prix d’achat du bien (immeuble ancien) : 200 000 €
  • Travaux : 30.000 € HT + 3.000 € de TVA, soit 33.000 € TTC (par hypothèse application du taux de 10% pour travaux sur les logements)
  • Prix de revente : 250 000 €
  • Taux de TVA applicable à la revente : 20 %
  • L’acquisition initiale n’a pas ouvert droit à déduction de TVA → application du régime de la TVA sur la marge.

Étapes du calcul

  1. Calcul de la marge taxable 

Marge = Prix de revente - Prix d'achat (NB : les travaux, pas plus que les frais d'acquisition, honoraire d'intermédiaire, frais financier, taxe foncière... ne sont pas inclus dans le prix d’achat).

Marge = 250.000 € - 200.000 € = 50.000 €

  1. Calcul de la TVA sur la marge :

La TVA est incluse dans la marge. Pour extraire la part de TVA :

TVA = Marge×taux/(1+taux)

TVA=50.000×0,2/1,2 ≈ 8.333,33 €

  1. Marge nette après TVA

Marge nette = Marge - TVA

Marge nette = 50.000 - 8.333,33 ≈ 41.666,67 €

  1. Prix de vente TTC 

La TVA sur la marge n’est pas ajoutée au prix de vente : elle est prélevée sur la marge, donc le prix de vente TTC reste 250.000 € TTC.

 

5. Cas pratiques : comment arbitrer l’option ?

Voici quelques exemples d’analyse (simplifiée) dans des scénarios fréquents :

Cas A – Achat d’un bien auprès d’un non assujetti + revente à un non assujetti

  • L’opération est en principe exonérée de TVA.
  • L’option pourrait être intéressante si les travaux engendrent une TVA déductible importante qui compense la TVA applicable sur la marge.
  • En revanche, si l’acheteur ne peut pas récupérer la TVA, l’augmentation du prix risque de freiner la transaction.

Cas B – Achat auprès d’un non assujetti + revente à un assujetti

  • L’acheteur pourra récupérer la TVA : l’option est souvent plus favorable dans cette hypothèse.
  • L’option n’est cependant pas systématiquement avantageuse si l’acheteur est redevable partiellement (activité mixte, redevance partielle).

Cas C – Achat auprès d’un assujetti + revente à un non assujetti

  • L’option est souvent moins utile si le bien est ancien (exonéré en principe) : la TVA déjà déduite peut devoir être restituée, ce qui pèse sur la marge.
  • Si le bien est neuf (moins de 5 ans) et revendu avant le délai légal, la TVA est automatiquement applicable sans option.

Cas D – Achat auprès d’un assujetti + revente à un assujetti

  • Si l’acheteur final peut récupérer la TVA intégralement, l’option est souvent pertinente, notamment si des travaux sont réalisés.
  • Si l’acheteur ne peut pas récupérer la totalité de la TVA, il faudra arbitrer la répercussion partielle dans le prix de vente.

 

6. Points de vigilance à prévoir sur le plan juridique

Pour sécuriser l’option et minimiser les risques, il faut veiller à plusieurs aspects :

  1. Rédaction de l’acte de vente : l’option doit être explicitement mentionnée dans l’acte pour être opposable.
  2. Distinction des coûts : il est fondamental de distinguer les coûts directement liés à une opération soumise à la TVA (frais spécifiques, travaux, acquisitions) des frais généraux ou communs.
  3. Application du prorata de TVA : si plusieurs opérations coexistent, il faut appliquer un prorata sur les frais généraux en fonction du chiffre d’affaires soumis à la TVA.
  4. Impact commercial : l’option doit être anticipée dans la négociation avec l’acheteur, en particulier lorsque celui-ci n’est pas en mesure de récupérer la TVA.
  5. Analyse au cas par cas : chaque opération ayant ses particularités (type de bien, nature des travaux, profil de l’acheteur), une étude individualisée est indispensable.
  6. Veille juridique et fiscale : les règles applicables peuvent évoluer (taux, doctrine fiscale, jurisprudence).

Le cabinet Chandellier Corbel est un cabinet d'avocats fiscalistes à Paris, spécialisé dans le droit fiscal des entreprises et particuliers.

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